[Multi] Premiers pas

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Tous avaient embarqués, tous ne savaient pas trop pourquoi, était-ce le charisme du vieux Sadida ou les trésors qu'il avait fait miroité qui les avait poussé à bord ? Peut importe la raison, le fait est qu'ils étaient tous bien là, dans le navire, en direction d'une île dont aucun n'avait entendu parlé, ou alors en tant que légende.

La traversée ne devait pas être longue, tout au plus une journée avait dit Pehdolyth au départ. Il faut bien avouer que la durée du trajet dépendra surtout de la météo. Mais le lunatique Capitaine avait l'air optimiste.

- Si ça continu comme ça, commença-t-il sur un ton enjoué, nous arriverons peu après le levé du jour ! 

La petite troupe investit donc les parties commune. Tandis que les hommes devaient se contenter de hamac superposés dans la calle, une chambre avec quelques lits de pailles superposés également, était réservée à ces dames.

***

Pehdolyth était inquiet. Il avait trouvé une bande de braves compagnons, mais il ignaurait réellement si l'orbe qui était censé contenir les âmes des Irianéhens morts lors de la catastrophe, serait suffisant pour braver "La Danse des Lames" , la barrière de récifs meurtriers qui protégeaient Irianah depuis toujours.

Il était à la proue du navire, l'orbe sous le coude, s'appuyant sur son bâton, et semblait fixer l'horizon.

Elle s'était approchée doucement, à pas feutré, sans qu'il n'y prête attention, bercé qu'il était par la houle et ses souvenirs d'Irianah. Il ne s'aperçut de sa présence que lorsqu'elle se planta près de lui, malgré son masque qui lui réduisait son champ de vision, il pu voir sur le visage de la jeune femme dénommée Rosée, l'admiration et la fascination pour l'immensité de la mer. Lorsqu'elle s'adressa à lui, Pehdolyth pris de longue minutes avant de répondre.

- Vous avez hâte qu'on la trouve cette île, je me trompe ? lança-t-elle.

Oh que oui il avait hâte, et pas juste pour sauver ses amis : Irianah exerce une telle emprise sur quiconque y pose le pieds, qu'il faudrait être une brute insensible pour ne pas vouloir y retourner. C'est d'ailleurs ce que la plupart des Gardiens ont choisi de faire il y a bientôt deux ans.

Dans les premiers temps, guidés par Pantalemon -le dernier des descendants Irianéhens connu à ce jour, ils enchainent les aller-et-retours vers l'Île, rapportant peu à peu matériaux et vivres, car Irianah était redevenue une Île sauvage, et la quasi-totalité des habitations menaçaient se s'effondrer. Peu à peu, ils avaient pu restaurer la Taverne du Loup Blanc, permettant d'accueillir ainsi plusieurs dizaines de personnes sur l'Île, ainsi que le Temple qui pour sa part était plutôt bien conservé.

- Irianah, commença-t-il. La première chose que l'on voit en l'approchant, c'est le feuillage du Grand Orme Blanc, un arbre gigantesque comme vous n'en n'avez sans doute jamais vu, semblable à l'immense arbre de l'Île d'Otomai, mais d'un blanc... immaculé.

Il marqua une courte pause, et continua.

- Puis ce sera le tour de La Danse des Lames, ce tranchant récifs que l'on prétend érigé par Talakia afin d'éloigner les curieux de l'Île. C'est là que tout se jouera, car il est si dense et si meurtrier, que seuls les Natifs de l'Île sauraient le traverser. Si nous y parvenons ... alors vous les verrez, les merveilleux paysages de l'Île aux Cinq Branches.

Il observa la réaction de son vis-à-vis, avant de reprendre.

-Le Soleil va bientôt se coucher, vous feriez mieux d'aller vous mettre aux chaud dans votre cabine mademoiselle.

Mon teint pâle, encadré par ces anglaises roses pâles et ces yeux vert émeraude tranchait avec le violet intense de ma tenue. « Une magnifique fleur emprisonnait dans son bourgeon, prête à éblouir le monde de sa magnificence dès qu'elle comprendra le plus important, tu comprends ma petite Hyacinth ? » disait ma mère …

Le vieux rafiot quitta le port avec à son bord les Onze aventuriers et leur leader ancestrale, ainsi que les cinq membres d'équipage qui seraient nécessaire pour mener le bâtiment brinquebalant à destination. Et enfin, dernier membre de l'équipage : le Capitaine du Navire, un disciple des Masques lunatique au possible, capable de changer d'émotion plusieurs fois dans une même phrase.

La première phase du périple était simple, cap plein est en attendant que la nuit tombe complétement, dès lors, le vieux Sadida saurait indiquer l'itinéraire au Capitaine. Il n'avait accepté ce périple que parceque le vieillard l'avait gracieusement payé, et parce qu’une fois la route faite, il saurait comment revenir piller l'île avec quelques uns de ses amis qu'il avait d'ailleurs déjà contacté. Il s'était donc dès le départ du bateau enfermé dans sa cabine, vaste pièce boisée lourdement meublée, laissant la barre à son second. Postiche, ainsi le nommait-on, était bien déterminé à tracer l'itinéraire du voyage sur une de ses précieuses cartes. Le vieux Sadida l'avait bien averti que l'approche de l'île serait dangereuse, un soi-disant récif infranchissable les sépareraient de l'île, mais on ne la lui faisait pas à lui, Postiche avait bravé des mers bien plus inhospitalières. Et ces histoires de natifs étaient selon lui faites pour éloigner les brigands et effrayer les enfants.


Quelqu'un frappait. Sans doute un de ces hurluberlues qui avaient gobé les salades du vieux ch'noc, il savait que ses hommes ne viendraient jamais le déranger dans sa cabine lorsque sa porte était fermée. De crainte que ça ne soit le vieux fou, il rangea sa plume et étala plusieurs cartes de la région, puis se résolut à allez ouvrir la porte. Ce n'était pas le Sadida, mais une de ses brebis.

-Bonsoir Capitaine. lança-t-il tout en présentant sa main, pour le saluer.

Le Capitaine fut à la fois surpris et soulagé. Il empoigna la main du jeune homme et ce dernier se présenta.

- Cimilese. Mais tout le monde m'appelle Cimi'.

- Ouaip' ! fut tout ce qu'il trouva à répondre dans un premier temps. Puis, voyant que son vis à vis en attendait plus, il lui lâcha la main et lui fit signe d'entrer.  Moi c'est Postiche, mais t'm'appelleras Cap'taine. M'sieur l'Cap'taine même, ouaip' c'bien comme ça.

Et il explosa d'un rire tonitruant. Il avait hâte que l'intrus se tire et le laisse tranquille, d'autant que la nuit n'allait pas tarder à tomber. Il fit bien signifier que le moment n'était pas opportun pour un brin de causette par des réponses brèves et évasives.

Accrochée à la planche de bois qui lui servait de matelas, Thylia essayait tant bien que mal de faire fi des balancements de l'embarcation qui leur servait de navire. Elle ne s'était pas assoupie depuis que le vaisseau avait jeté l'ancre, et savait très bien qu'elle n'était pas prête d'y parvenir.

En titubant sur le chemin, elle croisa plusieurs personnes qui avaient embarqué avec elle, sans pour autant pouvoir associer un nom à leurs visages. Enfin parvenue en haut des escaliers, elle essaya de se redresser pour tout d'abord respirer un grand coup, puis pour regarder le paysage qui se trouvait autour du bateau. Elle vit là... Rien de spécial, de l'eau à droite, de l'eau à gauche, de l'eau... à perte de vue en fait. Soudainement, son corps lui fit comprendre qu'elle avait besoin de s'appuyer à la rampe pour finir ce qu'elle avait commencé en cabine. Elle resta ainsi quelques minutes, le regard perdu, les bras ballants, les fesses en l'air, attendant de pouvoir se relever.

Une fois sur pied, elle regarda le bateau plus en détail, ce qu'elle n'avait réellement pu faire à l'embarquement tant elle était occupée à prendre ses distances avec les quelques puants de la troupe.

« Pas de quoi casser trois pattes à un canard. », marmonna-t-elle.

Il se tenait là, debout, droit comme un piquet malgré son grand âge. Son regard se perdait loin au devant de l'horizon, dans sa tête il voyait déjà les rivages d'Irianah qu'il avait quitté il y a de cela un an. Il se rappelait de ce soir là, où il avait du annoncer à Pwaline, sa pupille, qu'il les quittait pour retourner sur le continent terminer sa vie; que s'il restait en Irianah, lui le vieux sénile finirait pas devenir plus une charge qu'autre chose, et qu'au vue de l'équilibre fragile qui commençait tout juste à s'installer, il mettait en péril l'opération.

Son esprit divagua ainsi une longue heure, ses souvenirs du passé affluaient peu à peu, comme amenés par la houle qui faisait légèrement tanguer le rafiot. C'est finalement le tintement d'une cloche annonçant le diner qui le tira de sa rêverie. Combien de temps s'était-il écoulé depuis qu'il s'était figé là, appuyé sur sa troisième jambe ? Il n'en avait absolument aucune idée, mais à en juger par les gargouillis de son estomac, il s'en était écoulé pas mal. Il du se résoudre à rejoindre la pièce principale où la tablée allait se tenir. Il cahota ainsi sur le pont en se tenant à la rambarde pour ne pas perdre l'équilibre. Lorsque vous avez vécu aussi longtemps que Pehdolyth sur la terre ferme, il est toujours difficile de se mouvoir sur un sol mobile, et à plus forte raison lorsque vous êtes âgé et que vous vous appuyez sur un bâton. Malgré les exigences grandissantes de son estomac, faim qui montait à peu prêt à la même vitesse que l'effervescence qui s'échappait des parties communes du bateau, il parvint à atteindre l'escalier.
La descente du petit escalier fut rude bien qu'il ne comportait qu'une dizaine de marche tout au plus. Arrivé à la moitié, une vague plus forte que les autres le projeta contre le mur et il se rattrapa de justesse à la vielle corde rongée par les embruns qui tenait lieu de rampe.

- Et merde ! jura-t-il.

Il lui fallut une bonne minute pour accuser le coup et se remettre d'aplomb. Il continua ensuite la descente plus prudemment, et se dirigea vers l'endroit que le Capitaine lui avait indiqué à la montée et qui servirait de salle à manger. Lorsqu'il arriva, tout le monde semblait déjà être arrivé. Il resta un petit moment debout, sur le seuil de la porte à observer l'assistance, comme il l'avait fait lors de leur première rencontre à la taverne du Ripate. Son regard se posa d'abord sur le Capitaine qui siégeait en bout de table, à l'opposée de la porte. Puis il observa les victuailles déposée à la va-vite sur la table. Rien de très dispendieux en vérité, deux marmites crasseuses qui se ressemblaient autant que flamme et goutte, et des bols en bois tout aussi différents les uns des autres. L'odeur qui s'élevait n'était pas très agréable, mélange du ragoût de bouftou à la bière contenu dans les marmites, d'humidité et d'herbe à fumer. La pièce était petite, beaucoup trop petite pour la table qu'elle contenait. Cela frappa d'ailleurs Pehdolyth qui se demanda comment elle avait bien pu passer la porte. C'est lorsque, continuant à scruter la pièce, il aperçu les planches vulgairement clouées aux pieds de la table massive qu'il comprit : ils ne s'étaient pas embêtés d'un si léger détail. D'ailleurs un des pieds avait du se briser entre temps, puisque l'un d'entre eux n'était pas fait dans le même bois que les autres.

Ce genre d'attention, de soucis du détail caractérisait bien Pehdolyth. Il avait un sens aiguisé de l'observation et voyait les petites choses qui paraissaient insignifiantes au commun des mortels mais qui trahissait les non-dits. Ainsi remarqua-t-il le regard nerveux et fuyant du Capitaine que celui-ci lui avait adressé, et qui n'avait durée qu'une fraction de seconde. Pehdolyth faisait parfaitement confiance au Capitaine pour ce qui était de les trahir. La place qui lui avait été réservé l'indiquait d'ailleurs tout autant que le faux-fuyant de son regard : dos à la porte. Ce n'était peut être rien, cela semblait s'être plus joué au hasard du jeu des arrivées et au fait qu'il était difficile de ne circuler entre les murs et les convives tant la pièce était petite, mais c'était un signe évident pour Pehdolyth. Il savait que l'arrivée à Irianah serait compliquée et tendue, il ignorait cependant quand le Capitaine se déciderait à agir, le plus simple était de les tuer durant leur sommeil, mais alors il ne pourrait franchir la Danse des Lames, et bien que le Capitaine n'ait pas la science infuse, il n'en demeurait pas moins stupide à ce point. Le plus probable était d’agir durant le débarquement, là où ils seront vulnérables, ou encore, comme l'absence à la barre du Capitaine le lui laissait penser, de revenir plus tard maintenant qu'il connaissait la route.

Plusieurs minutes s'étaient écoulées depuis que Pehdolyth avait fait son apparition, et désormais le brouhaha s'était évaporé, et toutes les personnes présentes l'observait. Il était important pour la réussite de cette expédition qu'il donne le change, et qu'il ne montre pas ses inquiétudes.

-  Bah alors ! On m'sert à boire ou faut qu'j'me serve moi-même ! lança-t-il avant d'éclater d'un puissant rire jovial qui se répercuta sur les parois boisées de la salle.